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Le contre-projet du Parlement ? Une approche inefficace et dépassée !

En cas de rejet de l'initiative pour des multinationales responsables, le contre-projet indirect du Parlement entrera en vigueur. Mais plutôt que de prévenir les risques et de compenser les dommages, il conduirait surtout à plus de paperasse pour les entreprises concernées. Car le contre-projet n’impose aux entreprises que des obligations de déclaration inefficaces et limite la responsabilité à la simple rédaction de rapports et de brochures.

Les obligations de déclaration constituent le cœur du contre-projet indirect. Les grandes entreprises suisses devraient rédiger des rapports annuels sur des informations non financières, en particulier sur les objectifs en matière de CO2, les enjeux sociaux et liés au travail. Le contre-projet - comme l'initiative - prévoit des obligations de diligence raisonnable, mais seulement pour les entreprises actives dans le domaine des minerais et minéraux provenant de zones de conflit et de zones à haut risque, ou lorsqu'il existe une suspicion raisonnable de travail des enfants.

La réduction des obligations de diligence raisonnable à ces deux domaines est trop limitée. Pourquoi par exemple introduire des obligations de diligence raisonnable en lien avec le travail des enfants, mais pas en lien avec le travail forcé ?

Pour ce qui est des sanctions en cas de manquement, le contre-projet prévoit une amende allant jusqu'à 100’000 francs suisses pour toute personne autrice d’omissions ou de fausses déclarations dans les rapports. Contrairement à l’initiative, ce sont ainsi les personnes physiques qui sont rendues responsables des manquements d’une entreprise. Et cette disposition ne profite pas aux parties lésées (absence de compensations).

Les parties lésées ne sont pas directement compensées

L’initiative pour des multinationales responsables promeut la responsabilité sociale par le biais de la diligence raisonnable et de la responsabilité civile. L'initiative adapte notre cadre juridique aux réalités économiques du XXIe siècle d'une manière qui place la responsabilité de tous les acteurs au centre.

Les entreprises doivent remplir leur devoir de diligence raisonnable, car cela conduit à l'amélioration des conditions de vie à un niveau local. Et si des normes minimales internationalement reconnues en matière de droits humains et d'environnement sont violées par des entreprises suisses, les parties lésées doivent pouvoir engager des poursuites judiciaires sur place ou en Suisse, pays siège de l’entreprise.

En mettant l'accent sur les obligations de déclaration et les sanctions pénales pécuniaires, le contre-projet réduit quant à lui les parties lésées au rôle de spectatrices. Le mécanisme de sanction envisagé dans le contre-projet ne vise en effet pas à compenser les dommages causés directement aux parties lésées !

Plus de responsabilité étatique et moins de responsabilité individuelle

Comme déjà mentionné, le contre-projet s'appuie sur un mécanisme de sanction pénale. Une amende de 100’000 francs suisses au maximum sera infligée à quiconque se rend coupable d’omissions ou fausses déclarations dans les rapports, ou ne respecte pas l'obligation légale de conserver et de documenter les rapports. Cette disposition attribue un rôle central à l'État, dans la mesure où les poursuites pénales relèvent de la responsabilité étatique.

Dans le cas de la procédure civile proposée par l’initiative, les tribunaux assumeraient simplement le rôle d'arbitre. Les parties au litige devraient apporter la preuve de leur bonne foi et négocier. De plus, l'initiative crée les incitations nécessaires à ce que les entreprises remplissent de manière efficace leurs obligations en matière de droits humains et d'environnement.

Les obligations de déclaration ne modifient pas les comportements

Les rapports prévus par le contre-projet doivent offrir au public un aperçu des efforts déployés par les entreprises (ou du manque d’efforts). Afin que ces obligations de déclaration fonctionnent comme une mesure réglementaire, les organisations de la société civile et d'autres groupes d'intérêt devraient ensuite dénoncer les entreprises afin qu’elles se comportent différemment (ce qu'on appelle le "naming and shaming").

La responsabilité est donc transférée à la société civile. Les entreprises, en tant que véritables responsables des dommages, seront soulagées. Les parties lésées seront réduites au rang de spectatrices.

Une approche dépassée

En réalité, ce contre-projet repose sur une approche dépassée. Les rapports obligatoires sur les questions non financières sont une copie de la directive européenne sur la publication d'informations non financières. À la fin de l'année dernière, la Commission européenne a décidé de revoir cette directive, car elle est loin d'avoir l'effet escompté. En outre, la Commission européenne a annoncé en mai de cette année qu'elle poursuivait un projet législatif sur la diligence raisonnable en matière de droits humains pour les grandes entreprises européennes.

Avec ce contre-projet, le législateur suisse et le Conseil fédéral ne tirent pas les leçons des expériences de nos voisins européens et se limitent à une vision dépassée et inefficace de la responsabilité des entreprises. Seule l'initiative pour des multinationales responsables constitue un réel progrès en faveur des droits humains et de l’environnement.